Fillière
Efficace et concret, un second comité de filière cosmetique réussi à Bercy
Développer une vision stratégique commune à tous les acteurs de la filière, coopérer avec les pouvoirs publics, relever les défis soulevés par les transitions écologique, numérique et technologique, tenir compte des mutations géopolitiques et des nouvelles concurrences, c’était, dans un ordre du jour chargé, l’objectif affiché du deuxième comité de la filière cosmétique afin que l’industrie française conserve, dans ce secteur, son leadership mondial, continuant de créer des emplois de d’abonder un solde extérieur si largement positif qu’il en est devenu le second de notre pays.
Lundi 21 février, pendant près de deux heures, au centre Pierre Mendès France de Bercy, le Comité de filière cosmétique s’est réuni pour la seconde fois sous la présidence d’Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l'Économie, des Finances et de la Relance, chargée de l’Industrie. Autour de la table avaient pris place Marc-Antoine Jamet, secrétaire général de LVMH et président de Cosmetic Valley, ainsi que Christophe Masson, le directeur général du Pôle de compétitivité, le délégué général de la Fédération des Entreprises de Beauté (FEBEA), Emmanuel Guichard, et le Médiateur des Entreprises, Pierre Pelouzet.
À leurs côtés, en distanciel, plus de 40 représentants de la filière, industriels issus de tous les métiers de la chaîne de valeur, implantés dans chacune des régions qui abritent les grands centres de productions cosmétiques, PACA, Centre-Val de Loire, Île-de-France, AURA, Hauts-de-France, Normandie, Nouvelle Aquitaine et Outre-Mer, grands groupes comme ETI et PME, associations professionnelles et fédérations sectorielles, services et institutions de l’État comme la DGE, le CGEDD ou le CNRS. Il ne manquait personne.
Après deux ans de pandémie, la réunion s’est inscrite dans un contexte, celui du fort rebond de l’industrie cosmétique hexagonale, décrit par le président du pôle en introduction. Avec un constat ambivalent : si l’industrie cosmétique française enregistre des chiffres historiques à l’export, avec un solde positif de 12,9 milliards d’euros, une progression forte aux États-Unis et en Chine, un chiffre d’affaires en augmentation, ses parts de marché reculent, ses positions en Europe s’effritent et ses concurrents chinois, coréens, taïwanais sont toujours plus ambitieux. La situation n’est pas compromise : les fondamentaux de notre industrie demeurent solides avec un écosystème unique et un atout essentiel, le « Fabriqué en France », qui repose sur un patrimoine, des savoir-faire et une réputation sans égal. Mais, pour conserver son leadership, la filière ne peut plus simplement compter sur son aura culturelle, Versailles, les Champs-Élysées et Victor Hugo, les Châteaux de la Loire, Napoléon et Marcel Proust. Elle doit s’appuyer sur une plus-value scientifique et technologique toujours plus forte, convoquer les sciences dures et relever les défis structurels que portent les transitions écologique et numérique. Elle doit investir sur le carré magique qui la fait vivre et prospérer : authenticité des ingrédients, performance de l’innovation, protection de l’environnement et sécurité des consommateurs.
Ces grands enjeux partagés, la filière cosmétique doit développer désormais une vision stratégique et renforcer sa cohésion en son sein, comme avec les pouvoirs publics. C’était aussi l’objectif de ce second comité de filière, un an après la finalisation d’une première feuille de route alors que l’épidémie sévissait, 16 mois après la tenue des « Etats généraux de la cosmétique » organisés par Cosmetic Valley avec la FEBEA qui avaient dressé le bilan de santé de l’industrie, recensé les actions collectives concrètes qu’elle avait, jusqu’ici, menées et posé les jalons de futures avancées pour accroître son rayonnement.
Cette seconde édition, en cela, était marquante. Le Comité de filière cosmétique, instance de réflexion, de discussions, de décisions et d’actions doit s’inscrire dans la durée et la régularité. Il doit devenir un rendez-vous indispensable et constructif.
C’est dans ce sens que la Ministre a voulu saluer le travail accompli dans quatre grands domaines d’action qui ont organisé des échanges marqués, au fond, par le souci de l’efficacité et, dans la forme, par une certaine spontanéité : compétitivité des entreprises françaises de la beauté, priorités à l’innovation et à la recherche, prise en compte des nécessités de la transition écologique, consolidation des positions à l’international.
Compétitivité
Si le secteur est déjà champion du « Fabriqué en France », sa volonté s’est continuellement exprimée, lors des débats, de poursuivre davantage encore ses efforts de relocalisation qu’il s’agisse des ingrédients, des emballages, des productions des différents fournisseurs, tous identifiées. L’objectif de la filière est bien de sécuriser et de renforcer ses achats dans l’hexagone. 83% de ses approvisionnements, proportion exceptionnelle, sont déjà franco-européens et, en fait, massivement français. Une solide étude du cabinet PWC visant à sécuriser et à renforcer la souveraineté des achats de la filière, commandée et présentée par la FEBEA, démarche inédite et volontaire, a permis d’identifier des segments d’achats présentant un potentiel supplémentaire de relocalisation, qu’il s’agisse d’ingrédients ou d’emballages, et de construire des stratégies de relocalisation ciblées et concrètes pour aller plus loin. En lançant ce mouvement, la filière fait entendre sa volonté de contribuer aux initiatives de relance et de reconquête industrielle soutenues par le gouvernement.
Le comité de filière a, pour illustrer cet état d’esprit, permis de faire le point sur les relations entre les acteurs tout au long de la chaîne de valeur, amont comme aval, et dans l’ensemble de l’écosystème cosmétique, qu’il s’agisse du luxe ou de mass-market. Un an après sa publication, les participants sont revenus sur la « Déclaration de solidarité du secteur cosmétique avec le secteur verrier » que l’État avait appelée de ses vœux et dont la Ministre avait confié à Pierre Pelouzet, Médiateur des entreprises, le suivi. Un exposé de Dominique Garnier de Dior Parfums, et de Thomas Riou de Verescence sur les actes concrets qui ont suivi cet engagement, a permis de constater l’importance des résultats obtenus. Malgré la pandémie et pour éviter un ralentissement économique brutal, les verriers ont reçu en 2020/2021 un soutien clair des acheteurs de certaines marques pour éviter qu’ils aient à supporter, seuls, sur leur trésorerie, les stocks commandés. Les éléments présentés lors du comité de filière ont mis en exergue une amélioration de la transparence dans les relations entre donneurs d’ordre et fournisseurs, un accroissement des approvisionnements en France et les efforts mis en œuvre, de part et d’autre, pour favoriser la transition écologique dans le secteur. Ont été évoquées des actions futures qui pourraient viser à accompagner, en partenariat public/privé, les changements technologiques en cours pour limiter les émissions de GES des installations des verriers, ainsi qu’un soutien à la recherche destiné à assurer la qualité du verre recyclé issu de ces installations. Le comité a donc émis le souhait que des fours électriques remplacent progressivement les fours à énergie fossile et que la part du verre recyclé dans la production dépasse les 40%. Cet exemple a conduit d’autres fournisseurs, comme les plasturgistes, à demander un élargissement à leur profit de la concertation.
Autre thème abordé, notamment, par la voix de Hervé Navellou de L’Oréal, la pression promotionnelle sans précédent exercée par la grande distribution sur les marques de cosmétiques (depuis que la Loi Égalim les a dissuadés de le faire sur les produits alimentaires) a amené le Comité de filière à proposer une meilleure représentation des entreprises cosmétiques dans le dispositif de suivi des relations commerciales. Enfin, la CNEP - Confédération nationale de l’esthétique-parfumerie - représentée par Régine Ferrère a souligné le besoin majeur des Instituts de Beauté, très fortement impactés par une crise sanitaire caractérisée d’abord par des fermetures administratives, puis la baisse du trafic dans certaines zones de chalandises en raison du télétravail, pour relancer leurs programmes de formation et accompagner leur digitalisation
Innovation et Recherche
Pour rester leader et prescripteur, l’écosystème français de la cosmétique doit, non seulement faire prospérer un patrimoine inégalé et des savoir-faire d’excellence, mais aussi, et surtout au regard de nouveaux concurrents comme la Corée du Sud ou la Chine, renforcer ses capacités d’innovation et de recherche. Le CNRS, représenté par Carole Chrétien, a réaffirmé sa volonté de structurer et d’amplifier la recherche française en lien avec la cosmétique et a donc appelé les autorités publiques à le soutenir dans son projet de déposer un programme dédié dans le cadre du prochain PIA 4. Jean-Yves Berthon de Greentech a par ailleurs insisté sur la nécessité de poursuivre une dynamique d’innovation interrégionale et inter filières et insisté sur le rôle du pôle de compétitivité Cosmetic Valley comme facilitateur et catalyseur, sur l’ensemble du territoire national, de ces dynamiques.
Transition écologique
Les représentants du CGEDD et du CGEIET qui, à la demande de la filière, avaient été missionnés cet été par les ministres de l’industrie et de la transition écologique, ont salué les engagements et les actions déjà réalisées par les entreprises cosmétiques, individuellement comme collectivement, pour relever le défi de la transition écologique, à travers notamment le lancement de consortiums. Leurs recommandations précises, présentées au comité de filière, seront publiées dans les prochaines semaines.
François Luscan de Albéa a évoqué l’engagement dans la transition écologique des fabricants d’emballages plastiques. Ces échanges ont permis de soulever, dans le cadre de la stratégie de suppression des plastiques, la question de la définition des emballages à usage unique qui doit aussi garantir la sécurisation des investissements actuellement réalisés en France pour développer le recyclage et permettre l’accès de tous aux gisements de matière recyclée.
International
Parce que l’échelon communautaire est essentiel à la filière et que l’année 2022 sera une année charnière du point de vue réglementaire et législatif, la Ministre s’est engagée, non seulement à porter et défendre, à Bruxelles les positions de la filière cosmétique française lors des discussions relatives aux nouveaux règlements européens Reach et Cosmétique (notamment pour le statut des huiles essentielles), mais aussi d’examiner les situations de possibles surrèglementations françaises. Agnès Pannier-Runacher s’est également montrée intéressée par l’idée d’organiser une journée de sensibilisation et d’information sur les cosmétiques avec les marques, les fédérations, les associations nationales de producteurs ou de consommateurs, l’exécutif européen dans le cadre de la présidence française de l’Union, afin de promouvoir l’industrie cosmétique française et européenne, son rôle moteur et son influence pour l’économie, l’attractivité, l’emploi et la recherche en Europe.
Au-delà des frontières communautaires, les participants ont appelé la Ministre à faciliter une démarche interministérielle pour que le secteur cosmétique, deuxième poste exportateur français, développe une véritable stratégie d’influence à l’international. C’est pourquoi le Pôle de Compétitivité a demandé à la Ministre de l’aider à établir un réseau de VIE dans 15 pays majeurs en Europe, en Asie, et aux États-Unis, le premier ayant déjà été installé en Corée. Ont notamment été évoqués le lancement d’une « Semaine de la Beauté », semaine de sensibilisation aux savoir-faire, aux marques et aux cosmétiques que développeraient dans le monde ambassades et missions économiques françaises, sur le modèle de la semaine de la gastronomie, l’optimisation des relations avec les services économiques régionaux pour une meilleure connaissance et un meilleur accès aux marchés.
Enfin le caractère absolument indispensable d’une marque de filière Cosmetic Valley France à l’étranger a, une fois de plus, été souligné avec l’espoir que sa création ne soit pas davantage ajournée pour des raisons non économiques.
Sur l’ensemble de ces points, les participants ont démontré que le Gouvernement avait eu raison de leur faire confiance en créant un Comité de Filière spécifique à la Cosmétique. Une troisième réunion, après les élections, avec la FEBEA et Cosmetic Valley (dont il faudra selon l’évolution du statut juridique des pôles et leur glissement vers les régions conforter la mission de coordination nationale de l’industrie cosmétique de Dunkerque à Grasse) permettra d’en juger.
Verbatims en exergue :
Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée chargée de l’Industrie : « En un an, la filière cosmétique française a mené des avancées importantes. Je salue les nouvelles priorités que nous avons tracées ensemble pour les mois à venir. Elles permettront de continuer à faire rayonner la cosmétique en France, en Europe et dans le monde. »
Marc-Antoine Jamet, président de Cosmetic Valley : « Une réunion doit être productive. Ce comité de filière l’a été. Nous avons présenté des projets, aboutis ou émergents, pour consolider, moderniser, rendre toujours plus durables et désirables, notre industrie et nos produits. Marque à l’international, distribution, présence européenne, la balle est dans le camp du Gouvernement.»
Emmanuel Guichard, délégué général de la FEBEA :« A travers ces nombreux projets collectifs, la filière cosmétique, déjà championne du Fabriqué en France, démontre sa volonté d’aller plus loin en contribuant à la reconquête industrielle souhaitée par le gouvernement et en accélérant sa transition écologique. »